https://www.sismique.fr/post/114-le-mythe-de-la-meritocratie-samah-karaki
Si vous voulez un livre de self-help résumé, voilà, pour se développer, pour atteindre la meilleure version de soi, naissez dans une famille aisée. Voilà, il faut bien naître. Donc je trouve voilà, je trouve cela déjà très révélateur.
Quand on observe des personnes, des mythologies même, de personnes, de dieux qui se révoltent contre leurs conditions, ça nous fait rêver parce que ça nous dit quelque chose sur notre condition humaine, que nous sommes quelque part libres et qu’on est donc capable de se connaître par nous-mêmes, capable de se façonner par nous-mêmes, ça nous fait… en fait c’est optimiste.
Bon j’ai peut-etre pas choisis les meilleurs extraits mais cette chercheuse lève le voile sur plein de concept, mythe que je trouve fascinant. Zavez le texte ou la transcription. :)
Samah Karaki est docteure en neuro-sciences et dans son dernier ouvrage, elle déconstruit les notions de talent, de réussite et de mérite qui sont centrales dans la construction de nos sociétés et souvent dans notre manière d’éduquer des enfants ou encore de construire des organisations.
Une vidéo intéressante sur le sujet : https://www.youtube.com/watch?v=tWQUMOP03vk&t=1984
Je parle du droit et de la méritocratie dans une note de bas de page :
« On peut bien sûr noter un parallèle entre l’opposition entre méritocratie et démocratie d’un côté, et droit et science de l’autre. Comme le droit face à la science, la méritocratie peut être pertinente lorsque l’on ne dispose pas des moyens d’éduquer une population (cela va des utilisataires d’une distribution GNU/Linux au peuple français). De même que ces distributions peuvent mettre un lien vers https://teachyourselfcs.com afin d’élargir le nombre de contributaires potentiel·les (on peut alors se poser la question de l’élitisme de sa gouvernance et même du milieu du développement de logiciels libres), parler, au sens de la politique française, de « méritocratie » revient à admettre un échec d’éducation et de formation du peuple français, un échec du suffrage universel direct, ainsi qu’un objectif de recul démocratique, par exemple un retour au suffrage censitaire. Cela revient également à admettre que l’Éducation nationale ne serait pas une priorité, un point sur lequel la gauche et la droite ne seront pas d’accord. En face, on a des actaires autoritaires, favorisés par la Constitution de la Cinquième République (https://océane.fr/le-progrès-est-un-processus-de-co-construction-pluraliste), qui considèrent qu’éclairer les conditions d’accomplissement d’un acte délinquant ou criminel reviendrait à l’excuser (Lahire, 2016) ; évidemment, les personnes réellement concernées par les actes délinquants et criminels, comme les féministes, ou les victimes de violences policières, ne seront pas d’accord, mais cela revient aussi à dire qu’il ne sert à rien de se donner les moyens de comprendre ce phénomène, pourvu qu’un système répressif anti-Algériens et anti-pauvres fonctionne (« terroristes », « zones de non-droit », etc.). »
C’est malin avec tes commentaires tu as gagné un lecteur de ton blog.
Merci.
😱
(De rien)
Il me manque surement le contexte, c’est dans l’article ?
Pourquoi opposes tu, droits et science ? Ce sont 2 notions très différentes qui n’ont rien à voir ?
Ah pardon, oui l’article est basé sur une lecture (personnelle) de Bernard Lahire, “À quoi sert la sociologie ?”, 2016.
Dans ce livre, il explique que l’on accuse la sociologie d’accuser (l’État) ou d’excuser (les délinquant·es). Or selon lui, la sociologie doit dire ce qui est, pas ce qui devrait être. La sociologie n’est pas une science normative, elle doit simplement éclairer les logiques collectives (par exemple de solidarité et de contraintes légales/administratives) qui mènent à la délinquance, au terrorisme, etc.
Selon Lahire, juger est le rôle des tribunaux ; selon moi, accuser est fondé sur un principe anti-pauvres, postulant une cohérence “identitaire” ou “d’essence” de l’individu à travers les différents contextes de sa vie et au cours de sa vie (cf. Bourdieu, 1986). Comme le dit un sticker sur mon université, un monde juste n’a pas besoin de prisons ; comprendre sociologiquement ce qui pousse les délinquant·es et les criminel·les à agir et enlever ces incitations, et donc notamment le capitalisme, rendrait les tribunaux parfaitement inutiles, ce que les magistrat·es et législataires en général veulent évidemment éviter.
Bourdieu, Pierre (1986) : “L’illusion biographique”
C’est intéressant. Effectivement ya des logiques collectives et pour répondre à une partie de la questions sur ce qui nous pousse à agir ou non, la réponse se trouve en partie dans le microbiote, l’écosystème intestinal, qui a une influence majeure sur nos émotions, comment elle s’exprime.
Ainsi, pour une génétique donnée, avec telle ou telle alimentation liée à notre classe sociale et culture, en plus des facteurs sociologiques cela cimente les différentes logiques collectives.
Je veux dire par là, que la biologie a aussi une certaine influence et elle est aussi liée à un environnement physique, social et l’expérience. L’un comme l’autre s’influencent tout comme la question de l’inée ou de l’acquis.
C’est complexe.
Petit rappel en passant le terme de “méritocratie” n’a pas été inventé avec une connotation positive mais négative par un sociologue anglais qui entendait dénoncer les dérives possibles de ce qu’il observait déjà dans l’organisation de la société. anglais des années 1950.
Curieusement en France le terme a bien plus à une certaine élite intellectuelle/bureaucratique/bourgeoise qui l’a volontiers repris mais pas dans son sens originale sans que le roman dans lequel est né la méritocratie soit jamais traduit en français…
La bourgeoisie intellectuelle, une élite héréditaire
À l’été 1957, le sociologue anglais Michael Young arpente une plage du Pays de Galles. Longtemps chercheur au sein du Parti travailliste britannique, dont il a rédigé le manifeste de 1945, il a depuis pris la tangente. Sur le sable, il rumine : onze éditeurs ont refusé son dernier manuscrit. Soudain, il aperçoit au bord de l’eau un couple d’amis, s’arrête, évoque avec eux ce texte dont personne ne veut. Coïncidence, ses acolytes éditent des livres d’art ; et décident d’inclure l’ouvrage à leur catalogue. Son titre : L’Ascension de la méritocratie (1). Avec ce terme bricolé à base de latin et de grec, Young anticipe les sarcasmes. Cinq cent mille exemplaires écoulés en quelques années font entrer « méritocratie » dans le langage courant. Au prix d’un gigantesque malentendu.
Car l’ouvrage de Young, rédigé dans le sillage de 1984, de George Orwell, et du Meilleur des mondes, d’Aldous Huxley, dépeint une dystopie : le cauchemar d’un monde moderne dirigé « non pas tant par le peuple que par les gens les plus intelligents ». Le gouvernement des intellectuels, en somme. L’action se situe au début de l’année 2034, et le narrateur, un sociologue boursouflé, résume avec enthousiasme la transformation de la société britannique du XXe siècle en une tyrannie exercée par les diplômés de l’enseignement supérieur. Au prétexte d’une « égalité des chances », les hiérarchies s’échelonnent désormais en fonction de l’intelligence ; l’ordre social se perpétue par l’école, qui transmute les privilèges de classe en « dons » et « mérites ». « Les talentueux, jubile le narrateur, ont eu l’occasion de s’élever au niveau qui correspond à leurs capacités, et les classes inférieures ont donc été réservées aux moins capables. » Ainsi légitimé, le régime honore ses héros. « Les rangs des scientifiques et des technologistes, des artistes et des enseignants ont gonflé. Leur éducation a été ajustée à leur haute destinée génétique. Leur pouvoir de faire le bien a été accru. Le progrès est leur triomphe ; le monde moderne, leur monument. »(…)>>
Je crois que je vais finir par lire son ouvrage. L’oeuvre d’Orwell m’a marqué. C’est puissant, révélateur. Bon après c’est aussi le meilleur moyen d’être déprimé. :)
Après méritocratie a toujours eu une connotation négative pour moi. Puisqu’elle sous-entend une démarche individuelle et non la somme des facteurs, des variables. Si je suis ici, ce n’est pas seulement due à des mécanismes de récompenses, des modèles…c’est les autres. J’existe à travers eux.